Dans les sociétés africaines rurales, la chasse est une activité traditionnelle importante. Elle procure des ressources alimentaires précieuses à la communauté. Pour les hommes, elle constitue aussi un cadre symbolique central, dans la construction sociale du groupe et dans le rôle et la place des individus. Mais en plus, elle devient à compter du XIXe siècle une composante économique nouvelle. Elle permet de commercer avec les comptoirs européens installés sur le continent pour alimenter la forte demande mondiale d’ivoire. La consommation de ce matériau - et particulièrement celui aisé à travailler des éléphants d’Afrique – explose en effet. Faute de matières plastiques, qui ne se banaliseront qu’après le tournant du XXe siècle, l’ivoire répond à des besoins nouveaux en rapport avec la modernité. Il permet notamment de fabriquer les boules de billard à une époque où ce jeu se démocratise. Il est aussi utilisé pour les touches de piano, tandis que la demande s’envole en Occident et en Asie. La pratique de cet instrument est entrée dans le programme des écoles normales japonaises et sa présence se répand dans de nombreux foyers aisés. De fait, la pression sur la faune des pachydermes africains s’accroit tant, que la ressource commence à décliner fortement dès avant la première guerre mondiale. Les chiffres d’exportation d’ivoire, enregistrés par les services de douane de Guinée française en témoignent.